J'ai faim ! [privé è.é]

Kim s'était trainé jusqu'au supermarché du coin, un mal affreux lui étreignant le ventre. Il avait FAIM, pour sûr !
Ça faisait plus de deux semaines qu'il n'avait pas mis les pieds dans une autre enseigne que celle du boulanger du coin et il ne tenait pas à se nourrir de pâtisseries pour le restant de ses jours, surtout qu'il ne lui restait même plus de pâtisseries, en fait.
Il avait donc enfilé de grosses New Rock, un large pantalon noir par dessus son caleçon de trois jours, une chemise blanche qu'il n'avait pas pris la peine de fermer (c'était un jour ensoleillé, hein) et s'était vaguement aspergé de déodorant, parce que la saleté ne le dérangeait pas, tant qu'on ne la voyait ou ne la sentait pas. Cette "toilette" faite, il avait marché aussi rapidement que les gargouillis sonores de son ventre le lui permettaient et s'était enfin retrouvé dans l'antre de consommation qu'est Kinsen. Il avait poussé un soupir de soulagement, embrassé la vitre coulissante de l'endroit avec émotion avant de se précipiter vers le rayon BOUUUFFEUUH !!! *_______*
Sur ce, il avait ouvert un paquet de chocolat blanc et avait entrepris d'en avaler la moitié en une seule bouchée. Bon, bien sûr, il n'allait pas se nourrir directement dans le super marché, c'était pas très poli, contraire à la loi et puis de toute façon il n'y avait pas de micro-ondes. Mais une plaque de chocolat, c'était pas grand-chose, et au moins plus personne ne serait incommodés par les bruits affreux s'élevant du torse dénudé de Kim.
Après avoir avalé le chocolat et jeté négligemment le papier par terre, il avait pris un caddie et entrepris de faire des provisions pour un mois au moins. Bah ouais, il avait été augmenté et on lui avait donné des vacances, c'était la meilleure occasion de rester des heures chez lui à nolifiser en bouffant des chips et des ramens.
Son caddie commenca donc à se remplir de ramens et de chips. De bonbons aussi et de quelques légumes.
Le jeune homme se baladait d'une gondole à l'autre en équilibre sur son caddie, jouant mentalement à la course de Formule 1, parce que c'était pas très marrant de faire les courses seul alors il fallait bien s'occuper un peu l'esprit, quoi.
Alors qu'il était engagé dans une longue ligne droite qui lui permettrait sûrement d'emporter une victoire sublime contre un sale amerloque de merde, le genre qui se la pète dans sa voiture rouge et rutilante, emporté par son élan et l'euphorie du moment, il ne vit pas que quelqu'un ne l'avait pas vu arriver. Aussi percuta-t-il assez violemmernt je dois dire, un jeune homme plutôt grand, brun aux yeux noirs. Enfin bon, c'était sûrement ça, mais Kim ne voyait pas trop les détails du visage de sa pauvre victime puisqu'elle était affalée par terre.
Par souci de politesse, il aida l'inconnu à se relever, observant rapidement les dégâts. Pas de dégâts, à part peut-être quelques bleus, plus tard. Kim en fut presque étonné, la collision lui avait semblé plutôt brutale. Enfin bon il n'allait pas s'en plaindre non plus, avoir un mort sur le dos, très peu pour lui, merci.
Aussi s'exclama-t-il d'un ton exasperé :

-BOULEEET ! J'avais presque réussi à gagner la première place du trophée de Monaco ! Ma journée est gâchée ! Par TA FAUTE !

C'était sûrement pas ce qu'il fallait dire, mais quand on a été élevé par une SDF puante, on s'en rend pas compte. Kim avait une excuse à toute épreuve et c'était tant mieux pour lui.
Il détailla plus lentement le percuté qui était plutôt beau, il fallait l'avouer, avec cependant des yeux un peu flippants. Mais Kim il a peur de rien.

[Well yeah. C'est pour Azel. Si y'a any problems, préviens-moi >8DD]

Même si on ne dirait pas à sa façon de traverser sa vie comme s’il n’y jouait pas le premier rôle, Azel est comme tout le monde : il doit se plier à la corvée de courses. Cette semaine, il l’a repoussée le plus possible, en faisant successivement sauter le petit déjeuner, puis le repas du soir… Puis quand il s’est retrouvé à la limite de l’inanition, en mangeant seulement le midi un jour sur deux, il s’est dit que la situation n’était plus tenable, et qu’il ferait mieux d’aller chercher à manger et d’arrêter ses conneries. Et puis en passant, il pourrait racheter à manger à son chien, tiens – Scie Sauteuse, quel que soit l’état des placards de son patron, avait toujours à manger, lui. Une question de principe idiote, comme quoi Azel se sent plus responsable du clébard que de lui-même… En parlant du chien, il est resté à l’appart. C’est quoi cette discrimination canine dans les grands magasins, hein ? Bref, l’Anglais se retrouve dans un grand magasin, un seyant panier rouge au bout du bras, ses yeux noirs posés pensivement sur les kilomètres de bouffe étalés sur les rayons. Il cille deux ou trois fois, un peu paumé – un grand habitué des courses, le Azel – puis s’avance vers une intersection, très imprudemment.

Enfin, imprudemment, c’est beaucoup dire. Ce n’est pas sa faute si certains pensent que les caddies sont des bolides, et qu’ils sont profilés pour battre des records de vitesse. Depuis quand on doit faire attention avant de traverser une allée dans un putain de magasin, hein ? D’abord, si c’était fait pour la course, y’aurait un moteur. Bien. Donc ce qu’il vient de se passer n’est encore qu’une lourde preuve de l’injustice qui le prend parfois pour cible avant même qu’il ait eu le temps d’ouvrir son clapet pour protester. Ce qu’il vient d’arriver, au juste ? Ah, ben juste un caddie très dur, par le fait, qui l’a percuté au flanc alors qu’il était lancé à une vitesse plus qu’élevée – pour un putain de caddie – et qui l’a projeté au sol assez peu… gracieusement. Et merde. Machinalement, il attrape la main du coupable qui l’aide à se relever, et déplie son mètre quatre-vingts précautionneusement. Ok, alors ça, ça va lui filer l’appendicite. Il pose ses yeux noirs sur celui qui l’a renversé, main appuyée sur son flanc. Ah finalement, ça fera peut-être juste un bleu… Ou une hémorragie interne, vu le bol qu’il a ces derniers temps. Mais comme Azel est un homme fort, il ne montrera rien extérieurement de sa douleur, gardant une expression impassible en s’entendant engueuler. Il cille, recule d’un pas, et incline la tête sur le côté.

« Quoi ?… »

Trophée de Monaco ? Journée gâchée ? A cause de lui ? Il porte une main aux doigts fins à son front, observant avec précaution le garçon qui lui fait face, histoire de se mettre à l’abri rapidement si jamais il sort un couteau de boucher de sous… sa chemise. Tiens, il est torse nu sous sa chemise… Azel est troublé, c’est clair, mais ça ne s’extériorise pas facilement, surtout le connaissant. Il se mord les lèvres, jette un regard autour de lui. Aujourd’hui, il porte un jeans de couleur sombre qui ne fait rien d’autre que souligner sa minceur, un t-shirt manches longues écru à l’échancrure décidemment trop décolletée pour un garçon – le col plonge jusqu’au plexus – et par-dessus, un gilet de barman à la texture douce, noir. Au pied, converses noires, tout simplement. Enfin, il paraît se reprendre, un fin sourire étirant ses lèvres pâles, et ramasse d’un geste lent son panier renversé au sol, pliant ses longues jambes pour remettre en place ses courses.

« Tu t’es fait arnaquer, c’était pas le vrai trophée de Monaco. J’ai entendu dire qu’il avait lieu dans le rayon des produits ménagers, pas dans celui des chips. »

Il se relève, laissant le panier au sol, calé entre ses deux pieds. Il n’a pas l’air d’en vouloir à Kim – on parle d’Azel, là, il n’est capable d’en vouloir à pas grand monde… – et pousse même le vice jusqu’à se présenter, tendant une main glacée – il revient du rayon surgelés – vers le pilote de caddie.

« J’m’appelle Azel. »

L’Anglais a un léger signe de tête affirmatif quand Kim se présente à son tour. De son point de vue, ce prénom aux sonorités toniques, avec une consonne qui claque, lui va comme un gant. Mais finalement, il ne semble pas être aussi agressif qu’il l’aurait cru : voilà un beau sourire ! Il est même, paraît-il, enchanté de le rencontrer. Très bien, lui aussi. Un sourire détend un peu son visage fin :

« Pareil, Kim. »

Son accent anglais assez prononcé rend bizarre la tonalité de ses phrases, mais il parvient quand même à se faire comprendre, et puis ça lui donne un petit côté… pittoresque ! On l’imagine très bien sortir une thermos de thé de sa poche à 4h pile, histoire de suivre les rituels de son beau et pluvieux pays. Les yeux noirs effilés observent Kim regarder autour de lui – « mais qu’est-ce qu’il cherche, au juste ? » – prenant une expression réservée et poliment curieuse à la fois. Il mordille sa lèvre inférieure, traduction de sa perplexité. Un nouveau sourire, amusé ce coup-ci, prend place sur ses lèvres quand Kim parle d’aller dans le rayon des produits ménagers.

« Bien sûr, allons voir cette course d’anthologie… Je te soutiendrai, en faisant attention de ne pas me mettre dans ton passage ce coup-ci ! »

Il se penche en avant, rattrape d’une main paresseuse l’anse de son panier rouge en plastique – toujours aussi seyant, celui-là – et le cale au creux de son coude, le bras relevé dans une pose assez peu naturelle, mais appropriée au port d’un tel objet. Et miracle, il arrive à ne pas être ridicule en faisant ça : sans doute grâce au poing fermé.

« Tu as cassé ta poêle en faisant des crêpes ?… J’adorerai voir ça un jour, ça doit être très… instructif. »

Il jette en coin à Kim un regard amusé. Oui vraiment, ça doit valoir le détour, cette histoire de poêle et de crêpes. Et puis au pire, les crêpes sont une des rares recettes qu’Azel réussit à la perfection, sans aide. Comme ça non seulement il s’amusera, mais en plus il aura à manger. La classe, quoi. Il arque un sourcil en se rendant compte qu’il faut d’abord que Kim accepte de lui montrer ses talents culinaires… Après avoir laissé passer quelques secondes de silence, il reprend, la mine pensive.

« De toute façon, je dois aussi acheter des poêles. Et puis tant que j’y suis, assiettes, verres, et tout l’bordel… »

Ouais, bah la vaisselle ce sera en plastique, hein. Parce que 1 – l’Anglais est assez peu soigneux de ses affaires, et qu’il a quelques petits problèmes de préhension et 2 – Scie Sauteuse adore se fourrer dans ses pattes lorsqu’il marche, et ça, ça finit immanquablement en casse. Le plastique au moins, ça casse pas ! Il suit donc Kim dans le rayon produits ménagers, et là, c’est le drame : une armée de petites mémés qui sont contre le Grand Prix de Monaco en caddie font un sitting dans l’allée… Non bon ok, elles sont juste en plein milieu de la piste, empêchant un caddie d’avancer normalement : Kim est obligé de slalomer entre les grands-mères et leurs courses… Azel fait une petite grimace.

« Aha dommage, je crois que les conditions ne sont pas idéales pour la course aujourd’hui. Il faudra revenir ! »

Ce disant, il s’approche des poêles, en attrape une faite pour cuire des crêpes et la tend à Kim, tout en regardant les autres, très concerné.

« Tiens, pour remplacer la défunte… »

[Yop, j'passe en mode conjugaison présente, parce que ça me stresse trop sinon~]

Maintenant que Kim est remis de ses émotions, il remarque l'accent de Azel. Un accent anglais, sûrement. C'est mignon, pense-t-il.
En plus, le garçon est d'accord pour aller le soutenir au Trophée ! Si c'est pas magnifique tout ça ?!
Azel ramasse son panier, et avec un air amusé, lui dit qu'il aimerait bien voir quelqu'un casser une poêle en faisant des crêpes.

-Ça vaut mieux pas... marmonne Kim avec un air évasif. En plus il risquerait d'assomer Azel avec la poêle, ce qui serait assez malheureux.
Le jeune homme doit aussi acheter une poêle, raison de plus pour l'accompagner. Et des assiettes, des verres...
Le regard de Kim s'élargit.

-Tu viens d'emménager ici ? Tu viens d'Angleterre, c'est ça ?

Enfin, ils arrivent au rayon des casseroles et de toute la compagnie. Mais il y a un tas de vieilles mémés qui bouchent le passage en papotant comme des vieilles mémés.
Kim essaye d'avancer un peu, il slalome, fait des pieds et des mains, un vieille dame lui lance un regard noir, il lui tire la langue et il regarde pas derrière lui en espérant quand même qu'elle a fait une crise cardiaque sous le poids de l'émotion.
Azel le suit à son rythme, lui faisant remarquer que la course, c'est foutu. Effectivement, il a raison. Kim soupire, un peu frustré quand même, mais avant d'avoir pu manifester son mécontentement, Azel lui tend une poêle savamment sélectionnée parmi le vaste choix d'ojets.
Kim la prend en souriant à Azel.

-Yeah ! Merci !

Il fait le signe de la victoire avec ses doigts, puis regarde autour de lui. Il tombe sur des assiettes en PVC en forme de fleurs, les prend en criant :

-FLOWER POWERR ! et les laisse négligemment tomber dans le panier de Azel.

-Bon. Ça c'est fait. Il te faut quoi maintenant ? Des couverts ? Il regarde rapidement autour de lui, mais apparemment c'est un peu plus loin. Il faut encore affronter le troupeau de mémés.

[ HJ : Oui c'est stressant ma manie de jouer au présent, hein ? ]

Azel ne retient pas une petite grimace quand Kim lui répond au sujet des crêpes : comment, pas d’invitation à manger ? Dommage, Kim est sympathique, comme garçon… Les yeux noirs froids détaillent les grands-mères, l’esprit synthétique du propriétaire imprimant sans pitié toutes les fautes de goût qui lui passent sous le nez. Y’a pas à dire, Kim et lui sont les plus regardables du rayon haut la main, sur ce coup-là… Il jette un coup d’œil de côté au torse de l’asiatique, et esquisse un léger sourire à l’expression maligne. Pas vraiment discret, l’Anglais, sur ce coup-là… Et la question de Kim fait une très bonne diversion, tiens !

« Exactement, je suis fraîchement débarqué de Londres. Ca s’entend tant que ça ? »

Le voilà qui porte une main à sa gorge pâle, en se disant qu’il se fait trop facilement griller, ça va pas du tout, ça… En tous cas, que Kim bouscule quelque peu les honorables vieilles peaux l’amuse beaucoup, même si lui les évite savamment, louvoyant entre les régiments de croûtons pour éviter une collision dommageable à son corps mince. C’est vrai quoi, il s’est déjà retrouvé une fois par terre aujourd’hui, pas deux. La poêle qu’il a choisi à Kim paraît lui plaire, et en échange, il se retrouve avec des assiettes à la forme pour le moins… douteuse. Lui qui avait bien pris la peine d’éviter d’aller faire ses courses avec Kaede pour pas se retrouver avec des trucs ridicules, c’est bien sa veine. Mais autant quand ça vient de Kaede, il le sait et arrive à s’en désoler plutôt que de s’en amuser, autant avec Kim il n’est pas encore rompu à l’exercice, et il se laisse avoir. Il attrape une des assiettes et la regarde, énorme marguerite aux pétales blancs et au cœur jaune.

« Aaah c’est très joli… Scie Sauteuse va beaucoup aimer. »

Et sans préciser qui est l’inconnu mystérieux au nom bricoleur, il en revient à Kim, lèvres étirées d’un sourire amusé, yeux en amande soulignant la minceur d’un visage pâle d’européen. Courte réflexion.

« Il me faut couverts, ouais, verres, tasses… Bols. »

Cette fois, c’est lui qui part en éclaireur parmi les grands-mères ; très courageusement. Beaucoup plus civilisé que Kim, le Azel… Il alterne formules de politesse et demandes policées, le tout prononcé avec une voix aux intonations douces, peu pressées… Bref, le petit-fils idéal, semblent se dire pas mal de vieilles de l’assemblée, qui portent ensuite toutes sur Kim un regard critique. Cette animosité de la part du troupeau d’anti Grand Prix de Monaco est très palpable, et, une fois arrivé devant les tasses, Azel se penche sur l’oreille de Kim, pour y glisser, au comble de l’amusement.

« Tu remportes un succès fou. »

[Yossh désolée pour le retard delamorkitue~]

Kim avait deviné juste. Azel est bien originaire d'Angleterre. Kim aime bien ça, les gens originaux de quelque part d'autre que le Japon. Il sait qu'il y a pas mal de gens qui rêvent de s'installer dans son pays, mais lui il a envie d'autre chose. Surtout que lui, il sait pas trop d'où il vient, si ça se trouve il est né en Angleterre lui aussi. Son regard se perd un peu, dans le vague.
Bah, c'est de l'histoire passée, et quand Kim sera devenu aussi riche et célèbre que Bill Gates, il aura tout le temps de revenir à ses racines, même si c'est peut-être pas une très bonne idée.

Azel regarde les assiettes en forme de fleur et émet son avis. Kim n'arrive pas à deviner si c'est ironique ou pas. Sûrement que ça l'est, vu que même lui il n'oserait pas acheter des assiettes pareilles. Il est attiré par la personne qu'évoque Azel parce qu'elle a un nom marrant. Avec un air plus ou moins déconfit, il demande :

-C'est qui, Scie Sauteuse ? Ta copine ? Ou alors... le patron d'un bar SM !

Il dit ça avec un air scandalisé, les yeux écarquillés, très fort, histoire que les vieilles entendent bien. En tant que vieilles, elles se contentent de murmurer tout bas, mais Kim peut très bien deviner ce qu'elles disent.
Azel est déjà parti pour chercher le reste des couverts et Kim se glisse sur son sillage en essayant de pas trop bousculer, quand même, faudrait pas que la police débarque non plus.
Les vieilles le fusillent du regard, ils les fusille du regard en retour, et Azel lui fait remarquer qu'il a un succès fou. Tout près de son oreille.

-Ouais t'as vu ça ! Bientôt en concert au Budokan, Kim, le mec le plus sexy de toute l'Asie ! Et de tout l'Univers, en fait~ répond-t-il d'un air fier en mimant un solo de guitare particulièrement torride.
Puis il reprend soudainement son sérieux.

-C'est pas tout ça mais j'ai l'ordi d'un enfoiré de dealer à hacker, moi !

Il marque une pause, réfléchis un peu. Il inviterait bien Azel à venir chez lui, mais bon ça craint un peu, genre dès la première rencontre. Enfin bon, il a fait pire.

-Ça te dit de venir chez moi le temps que je règle ce problème ? J'ai acheté des ramens, tu aimes ça ?

Il offre un sourire éclatant au jeune homme en guise d'argument, et rajoute deux verres dans son chariot, parce qu'il vient de se rappeller qu'il en a cassé un hier.

L’anglais se contente de lancer un drôle de regard en coin à Kim, un peu perplexe. Est-ce qu’il est vraiment en train de croire qu’il a une copine qui s’appelle Scie Sauteuse ? Il décide qu’il ne va pas se vexer pour si peu, et fait un petit sourire en coin, à l’expression très floue – Azel est très fort pour ne pas avoir d’expression facilement décryptable. Il sélectionne rapidement quelques tasses, verres, et autres joyeusetés, tout aussi incassables les uns que les autres – faudrait pas non plus qu’il rachète toute la vaisselle toutes les semaines, ça deviendrait coûteux… Les yeux noirs se posent rapidement sur Kim, alors qu’il réajuste sa veste de barman toute douce. Il faut rappeler ici qu’Azel est encore loin d’être un pro en japonais – il se débrouille bien, vraiment, mais bon c’est pas encore la top classe – et il n’a pas compris la deuxième proposition de l’asiatique. Sa copine, là, il a suivi. Mais après, flou total. D’après les réactions de la troupe de grands-mères, il se doute bien que ce n’est pas vraiment un truc correct, et il esquisse un petit sourire penaud – tant pour Kim « désolé j’ai pas capté » que pour les ancêtres « faites pas gaffe, c’est rien ».

« Mais non, Scie Sauteuse c’est mon chien. »

Et non, il ne couche pas avec son chien. Le très seyant panier rouge de l’anglais commence à peser sérieusement sur son coude. En fait, Azel est persuadé que ses doigts vont devenir bleus d’une minute à l’autre, parce que l’anse en plastique dur doit lui couper la circulation sanguine. C’est lourd, de la vaisselle. Il change de main, décidant de porter le panier de trois tonnes à bout de bras, très concentré sur son problème de répartition de poids, et pas vraiment sur la dernière trouvaille humoristique douteuse de Kim. Il relève quand même les yeux quand il entend parler de mec sexy, et observe avec une once de perplexité le brun lui faire un solo de guitare… silencieux. Ah les rockers.

« Oui oui, tu es sexy, mais je ne suis pas sûr que ça suffise à maintenir tout un show. Tu sais jouer de la guitare au moins ? »

Et sans vouloir être désagréable, même s’il lui-même n’y connaît rien en guitare, la courte prestation de Kim lui a laissé l’impression que… Non. Il bat des cils deux ou trois fois quand il entend parler de hackage, et d’enfoiré de dealer. Hum ? Azel méfie-toi, ce Kim est de plus en plus suspect ! Ca n’a pas vraiment l’air d’affoler l’anglais, qui observe avec un très grand calme Kim réfléchir. Oh, une invitation ! Elle arrive un peu plus tard après son souhait, faut dire. Courte réflexion anglaise.

« Les ramens sont le seul truc japonais que j’arrive à manger sans faire la grimace » sourit Azel, s’amusant lui-même de son petit côté chiant et difficile.

Il a une courte pensée pour son chien, enfermé dans son 16m², et qu’il faudrait peut-être tirer de là, pauvre bête… Enfin, pauvre bête, il doit faire la sieste sur le lit, heureux de pouvoir squatter toute la place disponible, pour une fois. Azel décide donc que son chien peut se passer de sa présence encore un peu, et confirme.

« Oui ça me dit ! »

Quel ton tonique. Pour lui, c’est vraiment quelque chose d’inhabituel, mais il faut dire qu’il n’est pas mécontent de faire de nouvelles rencontres dans un pays qu’il ne connaît que très peu – et où il ne connaît bien que Kaede, finalement, malgré quelques brèves rencontres. Et puis faut l’avouer, il aime bien Kim ; il est très rafraîchissant – dans son genre.

Pendant la seconde et demie où Azel a lâché Kim du regard – pour fixer une des grands-mères qui avait sur la tête une capuche en plastique, cette chose immonde passible de guillotine devant le Tribunal du Bon Goût – on dirait qu’il y a quelqu’un de pas très sympa qui a appuyé sur le bouton « accélérer » de l’asiatique. L’anglais paraît tout décontenancé pendant au moins dix secondes alors que Kim semble vraiment très pressé de se barrer d’ici. Non genre vraiment super pressé. Le brun a la présence d’esprit de poser son panier dans le caddie de Kim – ça c’était super sympa comme proposition, vu la demi-tonne que pesait ce putain de machin en plastique rouge, il lui revaudra plus tard – avant de jeter autour de lui un regard méfiant. Mais qu’est-ce qu’il a bien pu voir pour le faire cavaler ainsi ? Un homme de main du dealer précédemment cité ? Un serial killer connu au Japon mais jamais arrêté par la police ? … Et si le serial killer était friand de jeunes hommes à l’accent anglais ? … Amagaaaaaad !

Oui oui Azel est sujet à ce genre de petits films idiots… Et pour une fois, il presse le pas pour rattraper Kim, son caddie et son panier, jetant des coups d’œil impressionnés derrière lui. Il s’est vraiment fait peur tout seul ou il joue à avoir la trouille ? Bien difficile à déterminer, ça. Il fait un sourire nerveux à Kim, sans expliquer ce qui lui arrive – c’est bon, il va pas passer pour une donzelle anglaise effarouchée, même si c’est un peu le principe en ce moment. Arrivé aux caisses, il tire son panier du caddie de Kim, et à nouveau se penche sur son oreille :

« Ok, maintenant c’est chacun pour sa pomme et j’vais être le premier sur le parking ! »

Et il va se poster dans une des files d’attente qui lui paraît la moins longue. C’est un principe de course particulièrement énervant et débile puisque toute la course ne dépend absolument pas du concurrent mais de personnes étrangères au challenge et qui n’en saisissent absolument pas l’intérêt. Le nombre de fois qu’Azel a pu jouer à ça avec Kaede, quand ils étaient au collège… A chaque fois, il se dit que c’est débile et que franchement, il ferait mieux d’arrêter définitivement, mais il semblerait qu’il ait développé une légère addiction à ce jeu stupide. Tiens d’ailleurs Kaede était plutôt forte pour trouver les caisses qui avançaient vite et elle gagnait souvent… Et il semblerait que ce soit le cas de Kim aussi, parce que quand l’anglais déconfit et ses courses arrivent sur le parking, l’autre l’attend depuis au moins cinq minutes. Le Azel se rengorge, histoire de pas totalement perdre la face.

« La chance des débutants, bien sûr. On pique le caddie pour rentrer chez toi ? »

Et le rapporter ensuite ? Azel a sûrement bien cette petite idée en tête, quelque part, bien au fond. Kim, c’est moins sûr… En fait, il aimerait bien qu’ils empruntent le caddie, ça lui permettrait de poser dedans les sacs en plastique qui lui scient les doigts… Une petite nature, cet anglais !

[ HJ : Pas de soucis jle kiffe toujours autant le Kim ! /HJ ]