Mashaon et Ludiwine: à la recherche de l'arche perdue. [PV]

La chose était nouvelle et tout bonnement passionnante.

Le fait que les gens regardent bizarrement passer une gamine en fauteuil roulant au visage d'icône, vêtue d'un très traditionnel et magnifique kimono rouge qui jurait horriblement avec son k-way de petit garçon, qui s'extasiait devant tout et n'importe quoi, poussée par une adolescente plus âgée mais également très jolie n'avait pas échappé à la perspicacité de la petite étoile. Il était rare de voir une enfant si jeune être avec une adolescente, surtout une enfant handicapée. De plus, elle se comportait comme si elle n'avait jamais vu une galerie marchande -ce qui était le cas, d'ailleurs- et l'autre ado avec une patience qui semblait inappropriée à son âge. Donc, tout le monde les regardait passer.

Ludiwine dévorait les environs des yeux d'une manière tout à fait surprenante, sous le regard vaguement amusé de Masha. Pour le petit astre, tout cela était si nouveau! Bien sûr, elle avait déjà lu des descriptions de ce genre d'endroit, mais là c'était tout à fait différent. C'était... bruyant, terriblement bruyant. Il y avait du monde partout, qui défilait dans les larges avenue crument éclairées comme un fleuve lourd, coloré et odorant. Le bruit de milliers de paroles qui se mélangeaient semblaient indistinct, formant comme un bourdonnement d'insecte, de milliers et de centaines d'insectes. Et ce fleuve olfactif et sonore s'ouvrait comme par enchantement devant son fauteuil, accompagné de quelques regards lourds, ou apitoyés. Gênés.

La petite fille s'aperçut vite qu'il y avait devant elle trois sortes de comportements possibles. Ou on lui lançait un regard terriblement contrit -souvent des mères ou des vieilles dames- qui transmettait une pitié aussi insultante que blessante, souvent accompagné de murmures. "Si jeune, c'est triste", "Pauvre petite". Croyaient-ils sincèrement qu'elle ne les entendaient pas?
Après, il y avaient ceux, plus pudiques, ou plus délicats, qui feignaient de ne pas la remarquer et de rester absorbés par quelque chose, leur trajectoire par exemple, et qui prenaient un soin tout particulier à ne pas poser les yeux sur elle. Plus lâche et plus gentil à la fois.
Enfin, se présentaient parfois ceux, plus rares, qui lui faisaient un petit sourire, ému tant par son visage d'une angevine perfection que par sa condition.

Lux qui n'était jamais sortie de son cocon et n'était pas habituée au regard des autres, se sentit tout d'abord vaguement blessée, peinée par cette pitié muette entachée, il fallait bien l'avouer, d'un certain mépris. Elle n'avait jamais eu à considérer sa situation ainsi, en temps handicapée et en temps que "différente". Chez les Ansel, elle était un Astres, un des pôles de la famille à qui l'on accordait une attention particulière, comme un bibelot fragile et cher. C'était désagréable, mais au moins c'était respectueux. De plus, vis à vis des autres maudits qui chacun avaient un handicap physique particulier, elle n'avait jamais eu à complexer de quelconque façon. Surtout que sa vie plus que courte lui attirait l'affection et l'attention de ses proches, qui tentaient tant bien que mal de lui éviter de souffrir plus que nécessaire. De plus, elle était "l'Etoile", symbole certes inutile mais symbole d'amour. Petit oiseau en cage. Le monde extérieur lui parut tout à coup vaguement hostile, avec tout ces gens qui la regardaient sans la voir.

Mais la sagesse de la petite fille eut vite raison de cet accès de mélancolie passagère. Comme chaque fois qu'elle se sentait s'appesantir sur son sort, Ludiwine se faisait violence et parvenait assez facilement à se concentrer sur autre chose. En l'occurrence, son arche perdue personnelle, le framboisier sacré, arbre divin.
Elle cessa de regarder la foule, la foule cessa de la regarder.
L'enfant se tortilla sur son fauteuil jusqu'à rencontrer le regard de Mashaon.

- Ils m'ont parlé d'un magasin avec une carotte sur le panneau. Un logo de carotte, avec un lapin. Ca les faisait bien rire, je ne sais pas pourquoi...

Non, Lux n'avait jamais vu Bugs Bunny, ne connaissait pas la CIA (Carrots International Agency, Save the Carrots, Shoot the Rabbits!) et ne comprenait donc pas la blague. Dur dur d'être une petite étoile.

- Par contre, je sais pas où c'est. Je suis jamais venue...

Non, on s'en serait jamais douté. Mais Lux ne connaissait pas non plus l'expression "énoncer une évidence". Dur dur d'avoir huit ans.

- On va dire, euh... par là?

Le petit astre tendit un index vers une direction prise complètement au hasard en tentant de garder un air assuré, histoire de ne pas être trop ridicule devant sa cousine. Autant elle était sûre d'elle même au manoir, autant ici elle avançait en terrain miné, ce qui était follement excitant.
Excimarrant.

L'exploration commence. Ludiwine et Mashaon s'élancent, étoile et gazelle à la conquête du nouveau monde et à la recherche du framboisier d'alliance!
Dans la mauvaise direction... bien sûr. C'est pas drôle, sinon...

Mashaon poussait avec une infinie patience et grande indulgence le petit fauteuil où s'agitait plus ou moins sa curieuse associée. Curieuse, car jamais elle n'avait vu pareil endroit. Et cela, la jeune Ansel le comprenait fort bien. Après tout, c'était une escapade interdite qu'elles se permettaient là. A tout moment, les chiens de la famille pouvaient surgir pour les arrêter. Et là, se serait la punition du siècle... Mais Mashaon ne s'en inquiétait pas vraiment. Car au fond d'elle, elle était persuadée que rien ne se passerait. Autant dans le domaine scolaire, elle était incertaine et toujours légèrement perdue, autant elle se faisait une entière confiance dans beaucoup d'autres. Tout au long de ces 14 dernières années, elle avait accumulé une vaste culture générale, aussi varié qu'inutile dans une vie courante d'adolescente normale. Mais là, on était dans tout, sauf dans une situation normale, donc, Mashaon ne craignait rien. Aussi étrange que ce raisonnement puisse paraître.
Ce vaste réservoir incluait dans ses domaines, la jardinerie et la lecture des panneaux d'affichage dans les centres commerciaux. Mais pas les blagues bizarres comme celle que l'on avait racontée à Lux. Aussi lorsque Ludiwine lui annonça:

- Ils m'ont parlé d'un magasin avec une carotte sur le panneau. Un logo de carotte, avec un lapin. Ca les faisait bien rire, je ne sais pas pourquoi...
Elle ne put que secouer la tête en se demandant ce qu'il y avait de drôle là-dedans. Peut-être est-ce son sens de l'humour qui n'était pas normal, et donc, incapable d'analyser toute la subtilité d'un lapin associé à une carotte… Ça n'était pas impossible…

- Par contre, je sais pas où c'est. Je suis jamais venue... On va dire, euh... par-là?

Mashaon ne dit rien et suivit docilement la direction que lui montrait la petite Etoile. Non pas qu'elle ait peur de vexer sa jeune cousine en lui faisant remarquer que le-dit magasin était signalé à l'étage supérieur. Non, elle voulait juste laisser la petite fille faire un tour dans ce monde qui lui était encore inconnu. Elles n'étaient pas pressées, elle pourrait toujours les remettre sur le droit chemin lorsque se serait vraiment nécessaire.
Pourtant, il n'y avait certainement aucune bonté d'âme à voir dans ce geste… Seuls instants où Mashaon se sentait vraiment sure d'elle.
Où elle savait pertinemment qu'elle était la meilleure et que rien ne pourrait venir la contredire. Où il n'y avait aucun effort à faire pour dominer. Un sentiment doux et facile face à cette pauvre chose si fragile et si incompétente. La puissance, la supériorité. Elle était sur son terrain, et là, elle dépassait l'Etoile, l'un des trois Astres. Ici, elle méritait sa place.
"Les Ansels sont une famille tellement admirable. Tout est chez eux raffinement à la vue et à l'esprit. Malgré ce défaut, ce handicap qui partout les accompagne, se sont des modèles de société ! Etre de leur famille est un honneur, car c'est côtoyer un peu de perfection chaque fois…"
Les épaules de Masha s'affaissèrent légèrement lorsque la voix de sa mère résonna de façon impromptue entre ses médiocres pensées de gloire. C'était un discours, une litanie que cette femme avait apprise par cœur, comme une poésie. Elle la récitait souvent, d'une belle voix monocorde, comme les prêtres lors d'un prêche. Et, toujours, cela finissait de la même manière, d'une voix pincée et sèche, comme un éternel châtiment:
"Mais bien sur, chez toi, ça ne se vois pas."

Mashaon s'était arrêté. Un pâle visage angélique lui jeta un regard interrogateur et plein de candeur enfantine. La jeune gazelle détourna les yeux. Pourquoi lui était-il si difficile d'aimer sans arrière pensée ?
Le peu d'honneur qui lui restait fut sauvé par le magasin de bonbon qui se trouvait là et elle enchaîna comme si de rien n'était, avec son calme habituel.

- Je crois que j'ai un peu d'argent en rab'… Tu veux qu'on aille jeter un œil ?

La petite étoile s’avachit un peu plus profondément dans son fauteuil roulant, transformé dans son imagination plus que débordante en un bateau qui remonte le courant puissant de la foule. Au gouvernail, Mashaon Ansel, de la constellation du sagittaire l’honnorable dépositaire. A la lecture de la carte, Ludiwine Ansel, Etoile de son état. Autant vous dire qu’on était mal barrées, et qu’on s’en moquait d’ailleurs.
Pourquoi? Parce que justement, Masha était à la barre, et que donc, on ne risquait rien. Ludiwine avait une confiance plus qu’aveugle en sa grande cousine, probablement l’être au monde dont elle se sentait le plus proche. Tant et si bien qu’elle lui abandonnait tout, son destin, ses pensées et son cœur. Masha était là, donc tout irait bien.

L’idée que ce ne soit pas réciproque l’effleurait parfois. Que la réservée Mashaon ne l’apprécie pas autant qu’elle-même appréciait sa cousine. L’idée que Masha vienne la voir plus pour s’occuper, par politesse pure ou bien pour satisfaire un quelconque besoin était monstrueuse, dérangeante, honteuse… mais bien présente. Mais l’enfant avait récemment compris que cela n’avait aucune importance. Les sentiments humains n’étaient jamais purs, jamais absolus et jamais désintéressés. Mais Ludiwine était heureuse quand Masha était présente, et même plus qu’heureuse, comblé. Sa cousine venait la voir, ne l’abandonnait pas, jamais, et c’était suffisant. Ce qu’elle pensait au fond d’elle ne regardait pas l’étoile, ne regardait personne. Ce qui comptait, c’était qu’elle soit là.

Aussi, l’étoile ne savait pas que la gazelle combattait en ce moment même ce monstrueux complexe d’infériorité qui la dévorait en se repaissant de la faiblesse de l’enfant, et quand bien même l’aurait-elle su qu’elle s’en serait moquée. Il était même possible qu’elle s’en soit réjouit. Pourquoi? Pour plusieurs raisons, pas toutes très honnêtes.

Tout d’abord, parce que c’était un renversement du cadre social rigide et pourri imposé aux Ansel. Les anciens s’étaient amusés à coller une étiquette sur le dos des gens qui se voyait brusquement arrachée. Elle, symbole d’espoir désuet, condamné et d’une affligeante faiblesse, n’avait aucun droit de se trouver au-dessus de ses maudits. Le fait qu’elle absorbe son handicap et donne des jambes à la gazelle alors qu’elle-même était pour jamais condamnée à ramper devait d’ailleurs d’autant plus accentuer cette impression. L’étoile était faite pour être en-dessous. Elle était l’immolée, la sacrifiée pour la pérennité d’une tradition stupide. Alors que Masha profite! Elle était dans son droit. Elle devait en profiter. Sinon ce ne serait pas juste pour l’étoile. Le fait qu’elle soit le Lazare de ce festin de gloire n’était finalement que justice.

Ensuite, Ludiwine pouvait de par sa position tout de même privilégiée obtenir à peu près tous les renseignements qu’elle voulait sur ses maudits. Et ce, même si c’était immoral. De fait, elle connaissait pertinemment le cadre familial de sa cousine et les douleurs qu’il avait surement causées à la jeune fille. Elle avait même eu l’occasion de parler à ses parents lors d’un repas de famille quelconque, où elle avait à la perfection joué son rôle de gamine inutile, mais n’en avait pas moins tout enregistré.

Ludiwine se retourna quand elle sentit Masha s’agiter puis s‘arrêter. Sa cousine avait l’air… déprimée.
Elle l’interrogea du regard avant de lui sourire doucement. Pourquoi avait-elle l’air si triste? Mais Mashaon détourna les yeux, et le sourire candide de la petite fille s’effaça, pour se fondre en une mimique assez inquiète. La première pensée qu’elle eut fut que le seul bon point de sa malédiction ne marchait plus: le sagittaire devait surement avoir de nouveau mal aux jambes. Pourtant, elle sentait toujours les siennes alourdies…? C’était bizarre.

- Je crois que j'ai un peu d'argent en rab'… Tu veux qu'on aille jeter un œil ?

Ludiwine détourna à regret son regard inquiet du visage de sa cousine pour suivre le sien… et poser les yeux sur un El Dorado purement alléchant.
Des… bon…bons. La cervelle enfantine de Lux était en ébullition. Bonbons, Masha. Cruel dilemme, Corneille lui-même n’aurait point fait mieux. En plein déchirement, les yeux bicolores de la petite fille cherchèrent une réponse et/ou une once de douleur dans le regard calme de son barreur. Mais Masha avait retrouvé un calme olympien, aussi l’étoile se détendit… et eut un immense sourire en tranche de courge.

Les deux complices roulèrent vers ce coloré paradis, où Lux ne savait plus où donner de la tête. Toutes ces friandises lui étaient inconnues: pas de bonbons au pavillon du petit astre. Quelques chocolats au repas de Noël, mais c’était bien tout. Ici, pas de chocolats. Des purs et délicieux produits chimiques bourrés de colorants très variés dégoulinaient en longues grappes alléchantes le long des murs, dans de longs tuyaux. Au milieu, une longue table offrait des bacs pleins de tentations sucrées, couronnée par un espèce de sapin entièrement constitué de sucettes de toutes sortes. La vendeuse eut un sourire charmé pour la petite handicapée en kimono.

Les prunelles éblouies se teintèrent de doute. Mais la réponse se fit vite dans l’esprit embrumé de la petite fille. On allait demander à Masha, Masha savait tout.

- C’est quoi, ça? C’est bon? Et ça? Et ça? Et…

Son petit doigt pointait tour à tour un monticule de bonbons gélifiés, un océan de rubans acidifiés, la pyramide de sucettes, d’espèces d’énormes boules colorés, des œufs miniatures et mous, un marais de crocodiles, des têtes de nègres souriantes, des boules de coco, des monts et des forêts de bonbons variés et tous plus tentants les uns que les autres…
Les yeux bicolores s’arrêtèrent enfin sur une titanesque sucette couleur de soleil, et plus que saturée de colorant.

- Et ça, Masha? Dis? C’est bon?

Un truc aussi diablement tentateur ne pouvait pas être mauvais…
Désarmante de confiance, encore une fois, Ludiwine se réfugiait toute entière sous l’égide bienveillante de sa cousine. Elle lui aurait conseillé du curare que l’étoile l’aurait avalé.

La vendeuse retint un rire. Cette gamine était terrible, quand même… à croire qu’elle n’avait jamais vu un bonbon!

Mashaon savait qu'elle avait eu de la chance de s'arrêter en face de ce magasin. Bien qu'elle sache que Ludiwine ne pouvait pas lire dans ses pensées, elle devait se faire pardonner pour le tord qu'elle lui avait causé, au moins au fond d'elle. Ainsi pénétrèrent-t-elles dans le temple du bonbon.
Il y avait de tout, du morceau de gélatine sucrée sans grand intérêt au cristal le plus pur et le plus étincelant de la dynastie du bonbon. C'est évidemment celui-ci qui retint l'attention de la petite Etoile après quelques divagations sur des sujets de moindre envergure. Une énorme sucette jaune, brillante, et entourée d'une marée de petits éclats de ce soleil de sucre.

-Et ça Masha ? Dis ? C'est bon ?

La jeune fille observa d'un œil critique l'objet infortuné de l'attention céleste. C'était gros, au moins autant que la fillette. Et elle-même n'en raffolait pas vraiment. Mais ses goûts n'étaient peut-être pas ceux de sa petite cousine. Elle se rappelait avoir aimé des trucs absolument écœurant dans sa propre jeunesse, le minimum était qu'elle accorde cet horrible privilège au jeune Astre.

-Je n'en sais rien du tout, conclut-elle, alors il faut que tu goûte.

Elle avait dit ça d'un ton sans appel, sans demander son avis à la principale intéressée. C'était là quelques années de fréquentation commune qui opéraient. Il était possible que Mashaon n'ait même pas songé à ce que sa cousine refuse. Goûter lui semblait être la chose à faire, pourquoi Lud ne serait pas de son avis ? Cela pouvait paraître paradoxal avec les pensées qui l'avaient poussée à une telle décision, mais pour Masha, pas du tout. L'un et l'autre n'avaient rien à voir !
Elle lâcha le fauteuil de sa cousine et s'avança pour attraper le monstre de gourmandise qui les narguait. Alors qu'elle avait encore le bras tendu au-dessus du piédestal et la sucette qui le surmontait jusqu'alors dans la main, elle s'arrêta un instant pour contempler son geste. Puis elle se tourna vers Ludiwine, avec un large sourire, un de ceux exclusivement réservé à la petite Etoile. Elle lui tendit la sucrerie avec quelque chose de mauvais dans le regard. Non, pas de mauvais, de moqueur.

-Tu as vu, Lux, nous avons décroché le Soleil…


[Scusi, c'est un peu court]

Mashaon tourna soudain la tête, mue par ce 6ème sens probablement hérité de sa condition d'intéressante proie de la savane". Elle repéra immédiatement l'ennemi, chêne massif et noir penché sur une demoiselle étonnée, pour interrogatoire visiblement. L'information avait donc fait le tour et les valeureux chevaliers étaient partis récupérer la princesse…
L'homme fit soudain un mouvement de tête en guise de remerciement, se redressa et observa la zone de chasse qui lui avait été attribué. Mashaon planqua prestement le fauteuil et son occupante derrière un présentoir coloré: heureusement que la gamine était petite. Elle se plaça elle-même mine de rien dans l'ombre du support à sucette tout en hauteur et entreprit d'épier le garde dans l'interstice de deux Chupa-Chups de bonne taille - comment diable était-on censé les manger ? L'homme grand s'approcha vivement, jeta un coup d'œil en face (électroménager, peu de chance de les trouver là) puis entra dans le petit magasin. La vendeuse sourit aimablement et lui lança un "bonjour" quelque peu surpris. Sans répondre, le pingouin fouilla l'espace du regard et, constatant qu'il était vide, passa son chemin.
Masha se décolla de sa cachette sucrée et s'avança vers sa pauvre cousine, laissée derrière les collines gélifiés-acidulés.

- Tu n'as rien vu d'autre qui te plaisait ? demanda-t-elle pour ne pas éveiller les soupçons de la gardienne de l'île aux trésors en donnant une explication plausible à ce soudain abandon.

Elle poussa le fauteuil jusqu'à la caisse et sortit son porte-monnaie pour régler le sort de la sucette solaire.

-Lux, on doit aller chercher ce framboisier maintenant, annonça-t-elle à l'Etoile lorsqu'elle furent arrivée à la limite de la zone de protection de la bonbonnière.

Elles regardèrent à droite et à gauche avant de traverser, et filèrent vers l'ascenseur, d'un air calme et innocent, tentant de passer inaperçues avec un blouson orange, un fauteuil roulant au contenu déroutant et une sucette lampe torche hors de proportion. Elle atteignirent le tarmac de l'ascenseur et l'attendirent hors du champ de vision de l'homme de main.
Un "tiiing" annonça l'arrivée du caisson hermétique et Mashaon manœuvra rapidement pour s'y installer, l'espace était prévu pour des caddies, heureusement. Les portes s'ouvrit et la montée commença.
Une vieille dame s'était retrouvée coincée avec les deux aventurières. Elle sourit gauchement à la pauvre-petite-paralysée-dans-son-fauteuil et Mashaon souffla. Le temps s'était arrêté et une musique inaudible tentait de compenser l'attente. Un nouveau "tiiing" annonça la fin de la mi-temps.
La gazelle envoya l'Etoile en éclaireur entre les battants de l'ascenseur tandis qu'elle repérait l'emplacement de magasin de jardinage à cet étage. Lorsqu'elle fut sure que la voie était libre et l'itinéraire enregistré, elle sonna l'assaut d'un sourire complice à sa cadette.
Et on démarra. Vite. Slalom géant. Un visage suspect, une tête au-dessus de toutes les autres, un costume noir planqué dans le décor ? Qu'à cela ne tienne ! Mashaon et Ludiwine se jetaient dans la boutique la plus proche, qui un marchand de parfum, qui un vendeur de lunette. Au loin, l'enseigne du lapin à la carotte se profilait, on touchait au but.
La gazelle, l'Etoile et la sucette déboulèrent dans la jardinerie et avancèrent posément dans les rayons.
Masha s'arrêta finalement devant une rangée de petit pot et vint se poster aux côtés de l'Etoile. Elle observa une minute de silence pour reluquer les étiquettes.

- Alors, lequel ?



[Rhaaa, je double post partout. A toi de décider du framboisier, Lud]