Petit détour (PV)

Deuxième journée de cours après quatre ans… Finalement, Anna s’en était tout de même bien sortie au lycée. Elle avait réussi à parler avec quelques uns de ses camarades de classe (mais en réalité, c’était eux qui étaient venus la voir parce qu’elle était toute seule dans son coin aux heures de pause…). La jeune fille s’entendait relativement bien avec tout le monde mais avec un caractère comme le sien, il aurait été difficile d’en être autrement. Quoi qu’il en soit, il était 15h30, l’heure de sortie des classes et même si la jeune Ansel était une élève studieuse, cela ne l’avait pas empêché d’esquisser un énorme sourire en entendant la sonnerie retentir. Rangeant ses affaires dans son ban en bandoulière, elle souhaita une bonne fin de journée à ses camarades de classe et sorti du lycée. A ce moment, elle se souvînt que lorsqu’elle était petite, on lui avait montré un petit chemin qui permettait de rentrer plus rapidement au manoir. Pourquoi ne pas le prendre ? La jeune fille y gagnerait du temps et qu’elle aurait du temps pour ses devoirs. Eh oui, ce n’était que sa deuxième journée de cours mais ses professeurs avaient réussi à lui donner une quantité inconsidérable de devoirs.

Pourtant, lorsqu’Anna s’engouffra dans les petites rues, elle se rendit vite compte que cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas posé les pieds ici et que beaucoup de choses avaient changé. D’abord, il y avait plus d’arbres et de nouvelles maisons. Mais ce qui la dérangeait le plus, c’étaient les nouvelles rues ! Bien sûr, il y en avait pas beaucoup mais cela était assez pour la perturber et bien évidemment, lorsque la jeune fille commençait à paniquer, son cerveau se mettait automatiquement en mode pause. Donc bien entendu, au bout de dix minutes de marches, la jeune Ansel s’arrêta au beau milieu de nul part et assuma le fait qu’elle s’était belle et bien perdue. Qu’est-ce qu’elle pouvait se montrer stupide parfois ! Elle commença à se dire que c’était de sa faute, qu’elle aurait dû réfléchir avant de foncer tête baissée. Elle s’en voulu tellement ! Et pourtant, ce n’était pas dans son genre de faire n’importe quoi sans avoir mûrement réfléchi avant, quitte à abandonner et ne rien faire. L’adolescente songeait qu’il valait mieux s’abstenir plutôt que de faire des bêtises. Essayant de voir le bon côté des choses pour ne pas se mettre à déprimer, Anna se dit qu’au moins la prochaine fois elle fera plus attention. Cependant, elle ne put s’empêcher de penser après que pour faire attention, il fallait déjà s’en rappeler. Ralala ! Pourquoi n’avait-elle pas accepté lorsque ses parents lui avaient si gentiment proposé de la ramener à la maison après les cours ?

Soudainement, son cerveau accepta de se remettre en route et la jeune Ansel eût une idée dont elle fut très fière sur l’instant. Extirpant son portable de son sac en bandoulière, elle songea qu’elle pourrait appeler sa mère. Pourtant, Anna stoppa son geste alors qu’elle était sur le point de composer le numéro de téléphone. Si elle faisait cela, elle pouvait être sûre qu’elle avait se faire gronder pendant une demi-heure sur son inconscience. Rahhh ! C’était tellement difficile d’être maudite mais en plus il fallait qu’elle ait les mêmes problèmes que toutes les demoiselles de son âge. Elle songea alors qu’elle pouvait appeler ses cousins. Mouai… sauf que le résultat serait le même. « Mais Anna, qu’est-ce qui t’a pris ? Tu es devenues complètement folle ou quoi ? Décidemment, on ne peut pas te laisser dehors toute seule ! » lui dirait-on. Regardant son portable en soupirant, Anna commença à faire les cent pas à côté d’un réverbère tout en marmonnant :

« J’appelle ou j’appelle pas ? J’appelle ou j’appelle pas ? … »

Elle avait beau peser le pour et le contre, elle ne parvenait pas à se décider. D’un côté, elle se disait qu’il était plus sage d’appeler. Au moins, elle était sûre que rien de grave ne pourrait lui arriver, sauf si elle tombe dans les pommes pendant qu’on viendrait la chercher mais ça, lorsqu’on y repensait, cela pouvait arriver à n’importe quel moment de la journée sans raison valable. Néanmoins, si elle arrivait à rentrer chez elle, elle pourrait prouver qu’elle était capable de se débrouiller toute seule lorsqu’elle était toute seule dehors :

« Rahh ! c’est pas vrai d’être aussi bête ! » s’exclama-t-elle

Sous le coup de la colère, elle jeta son téléphone portable dans un buisson. Oh non ! Ce genre de chose n’était censé qu’arriver que dans les romans ! Pourquoi fallait-il qu’elle soit aussi stupide et malchanceuse ? Rougissant de honte, elle s’avança vers le bosquet. Elle décida qu’une fois qu’elle récupérerait son portable, elle appellerait immédiatement ses parents. Après tous, elle n’allait pas mourir parce qu’elle aurait à écouter un discours d’une demi-heure sur son comportement puéril…

L’art plastique, elle ne vivait que pour cela. Elle aimait passionnément son sujet d’étude, autant la pratique que le théorique. Elle était capable de rester plantée devant une toile encore vierge, le nez en l’air et un doigt sur les lèvres, pendant des heures à imaginer sa prochaine œuvre. La peinture, il n’y avait que ça de vrai pour elle, le seul hic, c’est qu’elle se servait de ses pinceaux avec autant d’adresse qu’un ours avec une cuillère. Autant dire que le résultat sur la toile était largement inférieur à ses espérances, et ses espoirs d’être remarquée pour ses extraordinaires talents s’amenuisaient au fur et à mesure de ses peintures ratées. Le plus souvent en fait, elle finissait la tête basse, une grimace de dépit sur le visage. Elle dessinait bien pourtant, voire très bien, et son imagination était plus que débordantes. On l’encourageait beaucoup pour ces deux qualités, obligatoire à un artiste accompli. Seulement, lorsqu’elle parlait de peinture, ses professeurs la regardaient les yeux ronds, et bien qu’elle ne perdît jamais son sourire, elle les devinait perplexe qu’elle n’ait pas encore pris conscience de sa médiocrité dans ce domaine. Cependant, on lui laissait libre choix et lorsque son souhait était enfin libre d’être exaucé, elle sortait la tête haute, triomphante et pleine d’un espoir nouveau. Espoir quotidiennement déçu. Eh bien tant pis, Toshie était têtue et ne se gênerait pas pour recommencer, jusqu’à ce qu’elle est obtenue « son » chef d’œuvre, digne d’être exposé dans les plus grande galerie du monde.

Seulement, ça n’avait pas encore été le bon jour. Elle était sortie de l’université en tirant la langue au portail, dépité de l’horreur qu’était devenue son superbe autoportrait. Sa chevelure avait virée au marron, quant à ses yeux, elle était incapable de dire comment ils avaient pu prendre cette teinte rougeâtre. Lorsque Shima-sensei était passé devant son tableau, il avait secoué la tête devant son énième échec et lui avait une nouvelle fois demandé de cesser de gâcher ainsi ses dessins et d’en rester au pastels secs ou au noir et blanc. Toshie avait fait la moue, mais n’avait rien répliquée. Après tout, comment expliqué qu’avec seulement quelques couleurs, elle était passée d’un autoportrait à la représentation d’un chien errant !? Elle avait donc empoigné son sac et était sortie une nouvelle fois abattue, pour se diriger vers le café Satou, où elle devait assurer deux heures de services. Elle avait franchie la porte d’un pas assuré, et de son habituel air jovial. Son abattement semblait comme toujours avoir fondu au soleil d’été, et comme toujours son sourire et sa politesse avait ravi plus d’un client.

Elle était sur le seuil du café, la température extérieur avait considérablement baissée, mais restait amplement acceptable, aussi elle opta pour rentrer à pieds. Un peu d’exercice ne faisait jamais de mal, et même si elle n’était pas une adepte de la marche, un peu d’air frais lui ferait du bien et le ciel restait clair et bleue malgré tout, c’était ma foi plus qu’agréable de sentir la brise tiède qui passait dans sa chevelure et caressait son visage, d’ailleurs, sa teinte rousse commençait à s’effacer et il lui faudrait bientôt retourner chez son coiffeur… Elle sortit un petit carnet et un stylo de son sac, et nota consciencieusement de penser à un prochain rendez-vous.

- Penser à prendre un rendez-vous chez Kawamori-san !!!

Elle tourna machinalement les pages et sourit. Ce carnet, Shun’en le lui avait offert alors qu’elle fêtait ses 19 ans. Elle y écrivait tout et n’importe quoi depuis, et sur la première page, elle se souvenait avoir marqué ses souhaits, qui selon elle lui permettrait de vivre heureuse pour toute la vie.

- Ouvrir une galerie d’art
- Ouvrir un magasins de bonbons ou de jouets ><
- Rendre visite plus souvent à maman !!
- Me débrouiller pour aller chez maman lorsque Hae-Won est là *-*
- Me marier avec Hae-Won ><
- Avoir cinq ou six enfants…

Son sourire s’effaça un instant. Car même si elle avait écrit ces deux dernières phrases pour s’amuser, il n’en restait pas moins que le joli Coréen lui plaisait beaucoup, et que malheureusement, elle ne pourrait jamais aller jusqu’au bout de ses envies. Un an auparavant, en revenant de Corée, elle avait versé quelques larmes en relisant ces lignes car c’était pour elle un rêve inaccessible. Une certaine angoisse de l’avenir la prenait bien souvent, car elle était la plus âgée des maudits. Aucun autre maudit ne dépassait l’âge de 18 ans, et elle désespérait de passer sa vie seule. Car elle avait beau être miraculeusement optimiste, ce ne serait pas de tout repos de devoir avouer à quelqu’un sa malédiction. Si encore elle s’était transformée en un autre animal… mais vivre avec une femme qui se transforme en cochon, c’était déjà assez blessant pour elle d’être maudite par ce signe, alors elle n’osait l’imaginer pour l’ego d’un homme. Elle préférait prendre tous ça avec philosophie, et laisser passer un peu le temps. Peut-être après tout, serait-elle surprise. Elle marchait depuis un moment déjà, prêtant peu d’attention aux lieux autour d’elle, et lorsqu’elle pensa enfin à relever la tête, ce fut pour s’apercevoir qu’elle était peut-être allée un peu loin. En effet, vu la disposition de l’endroit, elle devait avoir depuis longtemps dépassée sa maison. Elle soupira, ce n’était guère la première fois qu’une telle chose arrivait, elle finirait bien par apprendre un jour où se situait exactement sa demeure. Elle s’apprêtait à faire demi-tour lorsqu’un bruit ce fit entendre dans le bosquet près d’elle. Comme toute jeune fille normalement constituée se promenant seule dans une rue a priori déserte, elle se retourna en poussant un cri aiguë. Peut-être même un peu trop aiguë, il faut dire que Toshie était loin d’être normalement constituée.

« Qui… qui est là !? »

Elle avança d’un pas en direction du buisson, brandissant le stylo et son carnet qu’elle n’avait pas rangé et était prête à les jeter tous deux à la tête de son agresseur s’il osait seulement se présenter !!

*Bon, un peu de courage...* songea Anna

En prenant une profonde respiration, la jeune fille plongea son bras droit dans le bosquet à la recherche de son portable. Tâtonnant un peu partout, elle tomba sur un morceau de chewing-gum et rencontra un vers de terre. Elle était dégoutée. C'était vraiment écœurant de tomber sur toutes ces choses. La maudite avait hâte de retrouver son portable et de rentrer chez elle. En plus, elle recommençait de nouveau à avoir mal au ventre. Elle ne se sentait pas très bien. Elle avait froid. Mais pourquoi a-t-il donc fallu qu'elle naquît sous le signe du cancer? Selon elle, c'était vraiment le pire! Etre incapable de se débrouiller toute seule dehors, avoir tous le temps des douleurs à l'estomac, ne pas pouvoir manger ce qu'on voulait et qu'on on le désirait... Elle commença alors à en vouloir à ses parents. Ils auraient dû la tuer à sa naissance. Cela l'aurait grandement éviter de souffrir. Mais pourtant, elle comprenait aussi leur choix et lorsqu'elle remémorait les agréables moments qu'elle avait vu passer, elle se dit que finalement, elle avait eu bien de la chance d'avoir vu le jour. Bien sûr, ce n'était pas facile tous les jours mais la vie n'était pas rempli que de mauvaises intentions. En fait, tous dépendait de la façon dont on regardait les choses. Anna, elle, était assez réaliste mais elle aimait trop vivre dans sa petite bulle, loin de tous les problèmes...

Tout d'un coup, la jeuna Ansel entendit un cri. Elle sursauta. Mais d'où est-ce que cela venait? Que se passait-il? Pétrifiée dans un premier temps, elle n'osa pas bouger. Elle avait trop peur. Non seulement elle était ignorante et naïve mais en plus, il fallait qu'elle soit malchanceuse. Que diraient sa famille lorsqu'ils apprendront ce qui lui était arrivé? Déjà, elle les imaginait bien dire que c'était bien fait pour elle et qu'elle avait bien mérité tous ceci. Pourtant, elle se ressaisit. Elle savait bien qu'on l'aimait malgré ses défauts. Et puis, des défauts, tout le monde en avait, n'est-ce pas? Et Anna ne faisait pas exception à la règle et lorsqu'elle y songeait, elle n'avait pas plus de mauvaises qualités que par rapport à d'autres personnes. En réalité, elle songeait qu'elle devait être dans la moyenne... Ohlala! Mais pourquoi elle pensait à tous cela alors qu'un être malveillant était sans doute dans les parages! Mais néanmoins, d'après ce qu'elle avait pu entendre, elle n'était sans doute pas la seule dans cette ruelle à se demander où se trouvait son agresseur et s'il allait la laisser tranquille. En effet, Anna avait entendu une personne crier. D'après le son aigu, elle en avait déduit que c'était une femme et celle-ci venait de demander s'il y avait quelqu'un dans les parages. La jeune Ansel hésita pendant quelques secondes mais elle finit par sortir de « sa cachette ». Les premières choses qu'elle aperçu étaient le carnet le stylo braqués sur elle. Elle fit un faux pas en arrière et tomba sur les fesses.

« Promis, j'ai toujours été gentille avec tout le monde et si vous me tuez vous irez sûrement en enfer! » dit-elle sous le coup de la panique

Mais Anna commença alors à dévisager la jeune femme qui se tenait dorénavant en face d'elle. Elle n'avait pas l'air méchante. C'était sans doute celle qui avait crié.La jeune fille se redressa comme si elle venait de s'asseoir sur une aiguille et tourna la tête de gauche à droite. Elle vérifiait que la rue dans laquelle elle se situait était bien déserte et qu'il n'y avait personne d'autre à part cette jeune inconnue. Elle réalisa alors que c'était peut-être elle qui lui avait fait peur et fouinant dans le bosquet à la recherche de son téléphone portable. Elle culpabilisa alors mais en même temps, elle était vraiment contente de voir que ce n'était qu'une jeune femme, apparemment pacifiste, et pas un homme en cagoule armé d'un couteau aiguisé. Peut-être que cette inconnue pourrait lui indiquer la route pour rentrer chez elle! Comme ça, pas de disputes au manoir et on la laisserait tranquille!

« Euh... Désolée »

Oui... Désolée de lui avoir fait peur, désolée d'avoir sorti une grosse ânerie. En effet, Anna était en train de repensa à ce qu'elle avait sorti en tombant sur le stylo et le carnet. Elle se trouva stupide d'avoir dit que la personne qui l'assassinerait irait en enfer parce qu'elle se montrait gentille envers tout le monde...