C'est bon, c'est beau, ça a du goût, c'est Satou ! [Libre]

16h45. La sortie de l'école primaire avait eu lieu il y a une bonne dizaine de minutes, dans son brouhaha caractéristique des enfants pressés de rentrer chez eux pour goûter devant la télé, et des parents pressés, qui ne parviennent à récupérer leurs enfants devant l'école qu'en vitesse...

Chez les enfants, à la sortie, il y a ceux qui courent, parce qu'ils veulent goûter. Ceux qui pleurent, parce qu'ils ne veulent pas partir et quitter leurs amis. Ce qui ne bougent pas, parce qu'ils n'ont pas envie, et attendent qu'on viennent les chercher.
Et il y a aussi ceux qui rasent les murs, et ne sont presque jamais remarqués... ceux-la même qui réussissent à sortir de l'école, et suivent un chemin habituel... C'était le cas de Saya, car elle savait que certains jours, sa mère ne pouvait pas venir la chercher, trop occupée à son travail. En contrepartie, c'était l'un des domestiques qui venait la chercher. Mais elle ne l'aimait pas celui-là, il était vieux, et quand il souriait, il avait des trous dans les dents. Ca lui faisait peur. Alors, elle préférait sortir de l'école, seule.

Elle rentrerait sans problème au Manoir Sôma, c'était juste à côté, et, huit ans ou non, elle en connaissait le chemin sans peine. Bien sûr, elle se ferait grondée... voir pire, privée de dessert ! Mais bon, entre ça et subir le vieux domestique, elle préférait ça. Surtout que ce n'était pas une petite balade vaine. Comme toujours, elle tourna à droite, puis à gauche, et pour finir, s'arrêta au milieu du la rue, sur le trottoir devant la vitrine de Satou, et sa grande enseigne bleu clair.

Satou. Le paradis sur Terre. Ou du moins, ça en avait tout l'air pour elle. Mais elle n'y était jamais entrée. Elle préférait s'arrêter devant et poser ses deux mains sur la vitrine, y coller son nez, et être toute à l'aise pour observer les pâtisseries et autres gâteaux encore chauds sur les présentoirs. Les odeurs venaient jusqu'à elle, profitant des passages des clients pour venir chatouiller ses narines à l'extérieur. Ca sentait tellement bon... choux à la crème, tarte aux myrtilles, et même chocolat liégeois, tout semblait bon. Appuyée contre ce qui était devenue sa vitrine, la petite Sôma oubliait tout le reste, humant à plein nez, et scrutant l'intérieur, des présentoirs aux clients qui arboraient de larges sourires devant leur commande.

" Un jour, on ira ! Pas vrai Pooki ? " songea-t-elle à mi-voix, relevant la tête et posant ses yeux sur son ourson en peluche, coincé maladroitement sur le côté de son cartable.

[J'me permets puisque c'est libre *-*]

Il avait beau adorer le sujet de ses études, il n’en demeurait pas moins allergiques à toutes formes de domination. L’idée de devoir supporter l’insupportable Kawamura-sensei aujourd’hui lui avait paru intolérable, tellement qu’il avait préféré rester coucher une bonne partie de la journée. Tant pis pour cette pauvre vache, il se ferait rosser le lendemain, il n’en avait cure. A midi passé seulement, il s’était tiré péniblement de son lit, avait à tâton retrouvé la majeur partie de ses vêtements (sauf son boxer de la veille, mais ça, il chercherait plus tard), et il était sorti de l’appartement que ses parents lui avaient achetés. Oh, certainement pas par bonté d’âme, mais c’était tout de même leur fils unique et chéri, pas question de faire mauvaise figure devant leurs « amis ». En sortant, il avait marché dans une crotte d’Hâchi, le chien, aussi minuscule que devait l’être son cerveau, du voisin du rez-de-chaussé. Et comme d’habitude, il avait juré et grommelé, se prommetant encore une fois de butercesaleclebarddeputaindechienàlacon... » et ainsi de suite. Et puis, il avait continué son chemin, ne sachant pas vraiment où aller en fait. Alors il avait erré, comme ça, un moment, sans chantonner, sans rêvasser. Il était comme ça Hiroki.

Et puis bon, il avait finit par se retrouver en face de chez Satou. Le café ne l’attirait pas vraiment, pas en ce moment, il s’était contenté d’un banc. Il avait oublié d’emporter son mp3 avec lui, et n’avait même pas penser à un livre. Bah, peu importe, il se contenterai de ne rien faire. Le fait qu’il était censé haïr cet état des choses ne vint pas lui effleurer l’esprit. Il était un peu embrumé aujourd’hui. Il ne pensait à rien en particulier, et rien ne le dérangeait particulièrement en ce moment. S’il ne se sentait pas en super forme, c’était plutôt une question d’habitude qu’autre chose. Il ne soupira pas, ce n’était pas son genre de montrer un quelconque ennui ou agacement par ce genre de signe, et de plus, il ne s’ennuyait pas vraiment. Il ne faisait rien, c’est tout.

16:45 Il regardait avec une certaine perplexité les mamans et papas passer devant son nez, tenant par la main un ou deux gamins, turbulents ou un peu moins. Nulle envie ne se lisait dans ses yeux bleux, nulle jalousie. Pourtant, un petit tiraillement se faisait sentir du côté du coeur. Ni papa, ni maman n’était jamais venu le chercher à la sortie de l’école lui. D’ailleurs à cette époque, on le méprisait encore dans sa famille. C’était juste Hiroki, l’enfant sans honneur et sans valeurs, qui ne vaudrait jamais autant que son prestigieux père. C’était encore l’insouciant et joyeux gamin aux yeux pétillants et aux rires entraînants. C’était encore une si belle époque. Il eut presque la tentation de laisser un souffle d’air s’échapper de ses lèvres, mais il se retint. Ce n’était décidemment pas son genre. Son regard tomba enfin sur une petite fille seule, qui marchait tranquillement sur le trottoir d’en face. Elle ne semblait pas bien vieille, tout juste 8 ou 9 ans, et pourtant, elle était bien seule en pleine ville. Il fronça les sourcils, ce n’était pas juste. Pas juste qu’un enfant doive rentrer seule chez lui à cet âge. Il se releva brusquement, la petite s’était arrêtée, en face, et semblait admirer la vitrine de Satou. Ce qui ne l’étonna aucunement. Pour un peu, il en aurait sourit. Il traversa vivement la rue, ne prêtant aucune attention aux vahicules, heureusement peu nombreux pour atterir de l’autre côté. La vitrine, avec ses couleurs d’azurs, étaient aussi jolies que dans ses souvenirs, lui aussi, enfant, avait admiré tout cela. Il pencha la tête vers la droite, entendant la jeune fille s’adresser à son sac. Mais il aperçut une petite peluche, qui dépassait légèrement du cartable. Il s’approcha de la gamine, il ne voulait pas l’effrayer, et surtout ne pas passer pour un pauvre détraqué. Il lui semblait simplement injuste qu’une enfant de cet âge doive se retrouver seule, comme il l’avait été.

« Pooki, c’est joli comme nom pour une peluche ça... »

Il s’était placé près d’elle, les mains dans les poches, ke regard fixé sur la vitrine, qu’il semblait oberver avec une grande attention.

[Tu fais bien ! :p]

Regarder l'intérieur de la patisserie Satou à travers les vitrines, c'est bien. Parce que " Satou, c'est bon, c'est beau, ça a du goût ", comme disait le slogan publicitaire inscrit en grosses lettres d'or sur le haut de la vitrine. Trop haut pour que ça gêne la vue de la petite fille qui écrasait son nez sur le verre à s'en faire mal.

Les gros muffins, là, sur la droite, ils étaient aux pépites de chocolat... et là, sur le présentoir du bas, c'était une spécialité à base de pâte de haricots rouges.

* Trop booon... *

Pensait Saya, les yeux pétillants d'envie. Cependant, ce n'était pas pour elle, elle le savait, et parvenait toujours à se faire une raison sans le moindre caprice. D'ailleurs, pourquoi en ferait-elle ? Les choses étaient comme ça, un point c'est tout. Et si une Sôma se mettait à quémander, cela serait le pire des déshonneurs, et la punition serait bien plus grosse qu'une simple privation de dessert. En temps normal, elle n'avait pas à être là, mais préférait se balader et observer que rester dans le bâtiment central du manoir, à attendre sagement le retour de sa mère, sous la surveillance sévère des domestiques.

Perdu dans ses pensées autant que dans sa contemplation, elle ne remarqua pas la silhouette derrière elle, et ne savait rien de la traversée brusque de la rue qu'avait faite cette personne là. Non, elle n'avait rien remarqué du tout. Et sursauta légèrement en entendant une voix l'aborder. Elle se tourna vers la droite, rien. Puis vers là gauche. Et là, elle vit un jeune homme légèrement penché vers elle.

Il avait l'air gentil, et sa remarque fit sourire la jeune enfant. Elle sortit sa peluche, qui n'avait plus qu'un oeil, et dont l'une des pattes était rapiécée au gros fil rouge.

" Bien sur que c'est joli comme nom. Parce que Pooki, il est beau. " fit-elle en brandissant sa peluche, comme pour le prouver.

Mais tout d'un coup, semblant réaliser qu'il s'agissait là d'un parfait étranger, elle se ravisa, et serra ses bras autour du petit ourson.

" Normalement, j'dois pas parler aux inconnus, M'man m'a dis. "

Bah oui, quand Maman disait quelque chose, c'est que c'était vrai. Mais bon, ce n'était pas comme si c'était la première fois qu'elle adressait la parole à une personne qu'elle ne connaissait pas. Surtout qu'il n'avait rien fait de mal.

Machinalement, elle rejeta un coup d'oeil à travers la vitrine...

Regarder à travers les vitres, disais-je, c'est bien, mais ça fait gargouiller l'estomac. Et ça, qu'elle veuille se faire discrète ou non, elle n'y pouvait rien. Le bruit se fit légèrement entendre, et Saya rougit quelque peu. Honteuse, elle baissa les yeux. Si elle avait attendu le vieux domestique, sans doute mangerait-elle, là. M'enfin... c'était pas une raison. Il y eut un léger silence, et elle releva la tête. Regardant longuement la personne devant elle, le détaillant de ses grands yeux noirs, des pieds à la tête, comme elle le faisait souvent.

" T'as un nom, toi ? Moi c'est Saya. "

C'était direct, mais au moins, ça avait le mérite d'être clair.

Les yeux d’Hiroki, eux, ne pétillaient nullement d’envie devant ce spectacle, pourtant plus qu’alléchant. Il restait parfaitement insensible aux myriades de pâtisseries qu’ils apercevaient, et même les gâteaux au chocolat et la tarte à la fraise, sur le présentoir devant lui, le laissaient insensible. Et dieu seul savait pourtant combien il aodrait ça, comme lui aussi avait passé d’innombrables heures plantés devant Satou, à baver au sens propre devant les cokkies et autres merveilles sucrés.

Flashback

« Manami-saaan !! Manami-saaaan !! Achète-moi un gâteau !! »

Une vieille gouvernante tirait sur le bras d’un gamin, d’à peine 8 ans. Elle semblait fatiguée et soupira, avant de cesser le combat et de laisser le gamin remporter la victoire. A peine lui avait-elle lâché la main qu’il se précipitait vers la vitrine, dans ses yeux se lisait une terrible envie de goûter à tous ce qu’il voyaient s’étaler devant lui. La femme s’approcha de lui, et sans un mot, soupira de nouveau. Ce gamin, il était bien trop sous pression. Elle se souvenait encore de la sévère réprimande qu’il avait reçu hier, comme quoi son comportement n’était pas digne de sa famille. Mais il n’avait que 8 ans, et sans doute n’avait-il pas compris grand chose aux grands mots de son père.

« Au chocolat !? Comme la semaine dernière !? »

Hiroki tourna des yeux pétillants vers la vieille femme et sourit. Une de ses dents de devant venait de tomber, et son sourire n’en n’était qu’embelli. Elle le lui rendit, parce qu’au fond d’elle-même, elle aimait profondément ce petit garçon destiné à mourir seul et malheureux.

Flashback

Il s’était machinalement tourné vers la petite, qui regardait toujours avec envie la vitrine et ce qu’elle contenait, et ce fut comme un sourire qui vint éclairer le coin de ses lèvres. Elle était décidemment adorable cette enfant, dans ses yeux, on lisait beaucoup d’assurance, celle que l’on lisait toujours dans les yeux d’un enfant. Cette assurance que demain on se lèverait de nouveau, que l’on retrouverait papa et maman, qu’ils s’aimeraient toujours autant et que le soir, en rentrant de l’école, on sourirait autant qu’en se levant. Le moindre bobo prend des proportions inimaginable, mais un seul bisou et tout redevient comme avant, tout simplement beau et magique. Parfois, il donnerait beaucoup pour retourner à cet âge où tout semblait si simple, où toutes les filles de sa classe étaient amoureuse de lui et où il trouvait tous les matins des bonbons dans ses poches.

La gamine se tourna finalement vers lui, lui jetant un regard surpris, qui s’effaça pourtant bien vite. Elle brandit sa peluche sous son nez, et d’un air décidé affirma que son nounours était aussi beau que l’était son nom. Il ne dit rien, mais hôcha lentement la tête, la voyant soudain se renfrogner légèrement et serrer son ours contre elle. Bien sûr, sa maman comme toute bonne maman, lui avait averti des dangers qu’elle couraient devant un parfait étranger, mais elle ne s’en préoccua pas beaucoup plus et se replongea finalement dans la contemplation de la vitrine, sans un mot de plus. Soudain, un petit gargouillis ce fit entendre, et Hiroki étouffa un petit rire nerveux. Cette gamine lui ressemblait beaucoup au même âge, et de toute façon, les enfants étaient bien les seules personnes avec qui il s’entendait bien et auprès desquelles il pouvait se permettre de sourire. La petite le détailla un moment de la tête au pied, avant de lui demander son prénom. Il lui sourit encore, mais peut-être n’avait-il en fait même pas perdu son précédent sourire.

« Ouais, j’ai un nom moi, et c’est Hiroki »

Il inclina poliment la tête, et fit soudainement une galante révérence devant la gamine, qui répondait donc au nom de Saya.

« Enchanté, demoiselle Saya , mais peut-être accepterez-vous un présent de ma part, pour garder un souvenir de cette rencontre !? »

Il se releva alors, et jetant un dernier regard à la vitrine, il poussa légèrement la porte de Satou, invitant d'un signe de tête la petite fille à entrer.

Le surnom qu'elle employa à son égard le hérissa quelque peu. Il n'aimait pas particulièrement qu'on le surnomme ainsi, beaucoup en avait eu l'habitude au lycée, et s'il n'en avait rien dit, il avait toujours détesté cette familiarité que cela impliquait. Il ne voulait être proche de personne, car personne n'était assez digne de confiance à ses yeux, à par lui-même. Mais la jeune fille devant lui l'avait fait avec une telle spontanéïté qu'il ne pouvait décidemment pas la réprimander pour une chose, si on y regardait bien, aussi insignifiante. Néanmoins, il ne sourit pas de nouveau à la petite, tout en ne devenant toutefois pas plus désagréable. Il tenait toujours la porte, n'ayant pas encore enclenché la poignée, il attendait l'assentiment de la petite. Un assentiment qui lui fut d'ailleurs refusé. Il haussa un sourcil, et pencha la tête de côté. Après un long moment de silence, il s'éloigna de la porte, évitant toujours de s'approcher de la petite. Il n'aimait pas tellement le contact avec les gens, aussi jeune ou vieux soit-il. Ainsi, ce n'était pas par manque de politesse qu'il se refusait à aider une personne âgée dans la rue, c'était simplement parce-que l'amour des calins lui avait été enlevé en même temps que sa jovialité. Il se dit soudain que son enfance avait été réellement gâché le jour où il s'était rendus compte que pour exister dans sa famille, il lui faudrait devenir parfait.Il s accroupit devant la gamine, qui pointait décidément sont regard sur le trottoir. Il resta un long moment à l'observer, sans mot dire, puis posa le bout de son index sur le front de la petite fille.

"Tu regardes cette vitrine avec une telle intensité depuis tout à l'heure, que je pensais que tu allais finir par la dévorer tout entière."

Il retira son doigt et replaça son bras sur son genoux. Il penchait toujours la tête légèrement de côté et soupira. Cela le déconcertait quelque peu. Enfant, il se précipitait dans la boutique sans attendre d'accord préalable, tellement l'odeur de chocolat qui y régnait l'attirait. Il était persuadé que si un jour, un parfait inconnu lui avait offert ne serait-ce qu'un mini cookie de chez Satou, il n'aurait pas dis non. Même si l'individu en question avait été un pauvre pervers. Il baissa la tête et la secoua légèrement, se mordant la lèvre.

"Mais je comprend..."

Il se releva et fourra sa main dans sa poche de jeans arrière, pour en sortir un porte-monnaie. Il prit à l'intérieur quelques yens, assez pour acheter une assez grosse part de gâteau, et les tendis à Saya. Il ne savait pas vraiment ce qui la poussait à refuser, mais cela au fond ne l'étonnait pas franchement. Elle fsait sans doute preuve de prudence, et pour son âge, c'était quelque chose de très bien. Il eut un léger sourire.

"Je suppose que je n'aurais jamais l'occasion de vous revoir petite Saya, aussi tu ne me dois rien. Et même si par chance, je devais revoir ta bouille, je ne te demanderais rien. Prend ce que tu veux, je sais que tu en meurs d'envie, j'ai été enfant moi aussi."

Il se baissa et prit sa petite main, où il déposa l'argent. Puis il se releva et tout en gardant son sourire, lui offrit un joli clin d'oeil complice.

La familiarité ayant des limites, Saya remarqua qu'à l'évocation de son surnom, 'Hiro', ce dernier sembla un peu irrité. Elle le remarqua, oui. S'en excusa-t-elle pour autant ? Absolument pas. Ferait-elle en sorte de ne plus l'employer ? Allez savoir. D'autant plus qu'elle n'envisageait pas le croiser bien souvent. Elle ne le connaissait pas, hein, faut pas l'oublier. Et puis, du haut de ses 8 ans, elle n'était pas vraiment du genre à se prendre la tête sur la durée. Les questions philosophiques et les malheurs, ça ne durait qu'un temps, pour elle, rien d'autre. Elle ne savait pas comme il prendrait son refus, et ne cherchait pas à savoir si elle avait vexé ou non en répondant ainsi à la négative...

C'était une Sôma, on lui rappelait assez pour qu'elle en ait imprégné le comportement qu'on attendait d'elle. C'était une maudite de surcroit... et avec cette malédiction, même si elle le réalisait peu, allait de paire une forte tendance sectaire qui consistait à rester entre Sôma et à s'ouvrir peu sur les autres. Du moins, c'était ce qu'on lui disait... et ce qu'elle voyait, autour d'elle. Pourtant, elle allait à l'école primaire, comme tant d'autres. Elle restait elle, mais inconsciemment, elle se plongeait dans sa bulle, en sortant par moment, sans grande logique pourtant. Son apparence faisait peur aux autres, petits ou grands... on la trouvait sombre. Trop sombre pour être 'normale'. On la mettait à l'écart, ou était-ce elle ?
Mais elle s'en fichait, elle avait Pooki et son univers imaginaire, dans lequel elle n'était jamais seule. Et jusque-là, celui lui suffisait grandement. Jamais vous ne l'entendrez ce plaindre. Qu'on la trouve étrange ou non, elle avançait toujours, s'attardant sur des détails, souriant à peu de choses, et qualifiant de paradis la moindre vitrine de pâtisserie...

Et lui, il l'avait remarqué. Dans toute la contradiction dont pouvait faire preuve la jeune Saya Sôma, cette situation pouvait être placée en tête de liste. Le paradis... son paradis, réussissait à lui faire peur. C'était presque comme si l'observait tranquillement derrière la vitrine en respirant les odeurs à plein nez lui été amplement satisfaisant. Au moins, elle ne 'risquait' rien, au moins, on ne l'embêtait pas, elle ne dérangeait personne. Et lui, il voulait lui ouvrir la porte... il voulait l'y inviter... Elle ne répondit rien à sa remarque. Il n'y avait rien à en redire. Il était dans le vrai.

Elle le suivit du regard alors qu'il s'agenouillait face à elle. Ni trop près, ni trop loin. Il posa son index sur son front, et la fixa. La jeune fille lui rendit son regard. Lui aussi savait être silencieux. C'était pas plus mal, elle aimait le silence. C'était silencieusement qu'il lui arrivait de rêver, de voir défiler sous ses yeux maintes et maintes images qu'elle s'inventait. Des situations grotesques sans mots ni gestes qui la faisait sourire... Comme dans les salles de cinéma où l'on regarde d'anciens films muets, en noir et blanc, bien entendu.

Il disait qu'il la comprenait, mais était-ce vrai ? Saya ne le croyait pas vraiment, et murmura donc :

" ... Ca m'étonnerait. "

Cependant, s'il la comprenait, son comportement par la suite n'avait pas de sens. Le visage traduisant son étonnement, elle le regarda sortir son porte-monnaie. Il en sortit quelques pièces qu'il lui tendit, et, ouvrant doucement, finit par les lui déposer lui-même. Il souriait gentillement. Etait-ce un ange gardien ? Comme ceux dans les histoires que lui racontait sa mère ? De ceux qui sont toujours là au bon endroit au bon moment, pour secourir ceux qui ont besoin d'aide ?
Pourtant, elle n'avait rien réclamé, et n'estimait pas être dans une situation dangereuse... De son autre main, elle fit tourner et retourner les pièces brillantes qui trônaient sur le plat de sa paume. Etait-il fou ou trop gentil ? Elle aimait les gens fous, elle en faisait partie après tout...

Après un énième silence, elle releva ses yeux sur lui, on pouvait y lire un sentiment mêlé de reconnaissance, de surprise, et d'appréhension.

" Mais... mais... mais... je... "

D'un geste brusque, elle voulut lui rendre, tendant sa main vers lui. Elle ne devait pas abuser de la gentillesse des gens. Surtout qu'elle ne le rencontrait que pour la première fois. Cependant, il avait l'air absolument déterminé à lui permettre d'entrer dans la pâtisserie... cela se voyait, et le clin d'oeil qu'il lui fit ne venait que le confirmer. L'enfant fit alors naviguer son regard entre les pièces et Hiroki, entre Hiroki et la porte du café, entre le café et les pièces. Elle finit par articuler :

" Alors, on y va ensemble.. et on partage. " déclara-t-elle aussi fermement qu'elle le pouvait.

S'il était contre, elle n'entrerait pas. C'était décidé.

[Finalement, j'ai eu le temps !! Par contre c'est pas très grand !! Pardonne-moi T-T]

Il allait s’en aller. Il ne voyait, de toute façon, ce qu’il pouvait encore à voir à faire ici. Cette petite gamine lui ressemblait certes en certains points, notamment sur celui de la gourmandise visiblement, toutefois, elle semblait bien plus mature qu’il ne l’était lui-même à cet âge. Il se dit que personne ne devrait penser autant que cette jeune fille lorsque l’on est enfant. Il semblait peser sur ses épaules, un poids beaucoup trop lourd pour elle, et c’est seulement parce qu’il ignorait ce que c’était, qu’il ne ressentit pas de pitié pour elle. Il lui jeta seulement un regard, peut-être peiné ou simplement curieux, et toussota une nouvelle fois. C’était un de ses nouveaux tics. Sa nervosité semblait le rattraper alors qu’il avait toutes les raisons d’être calme aujourd’hui. Ce défaut l’embarrassait de plus en plus, mais il se refusait à consulter un psy pour en découvrir la source, il se débrouillerait très bien tout seul. Il sentait le porte-monnaie dans sa poche arrière, et se demandait encore ce qui avait bien pu le pousser à se montrer si généreux, après tout, ce n’était absolument pas son genre, enfant ou pas. Il secoua la tête, laissant échapper un petit sourire navré à son égard. Il ne se comprenait jamais lui-même. Mieux valait en rire….

Lorsqu’il releva les yeux cependant, ils tombèrent sur les siens. Ses deux petits yeux noirs, à l’éclat vif et profond, emplis d’envies enfantines et de choses trop lourdes pour elle. Il pencha la tête de côté, elle semblait partagée entre plusieurs sentiments et elle hésitait, comme le prouvèrent ses paroles. Elle tendit enfin sa main vers lui, et il baissa le regard sur les petites pièces qui s’y trouvait. Quoiqu’elle veuille de toute façon, et même si cette générosité n’était qu’occasionnelle, il ne reprendrait pas ces quelques yens. Il releva la tête vers Saya, qui hésitait de nouveau, son regard allant des pièces, à lui puis au café. Lorsqu’elle parla de nouveau, il ne pu s’empêcher de sourire de nouveau. Il risquait de se retrouver avec quelques crampes à la mâchoire le soir venue, cette petite avait le don de lui faire faire ce dont à quoi il n’était absolument pas habitué, voire même ce qu’il n’aimait pas faire. Il poussa un soupir résigné, il lui faudrait pourtant s’attendre à passer une bonne fin de journée. Il se recula et poussa de nouveau la porte, afin de la laisser passer avant lui. Galant, ça il l’était. La politesse lui avait été inculquée ès son plus jeune âge, dans son milieu elle était plus qu’indispensable.

« Alors qu’attendons-nous !? »

Il inclina légèrement la tête, souriant de nouveau, mais certainement pas de toutes ses dents. Juste un petit étirement de lèvre, sui cependant laissait facilement deviner son amusement.

Après que Saya fut entré dans le café, il resta un long moment sur le seuil de la boutique. Il regardait tour à tour les friandises qui s’étendaient sous ses yeux et il se dit que c’était la première fois qu’il ouvrait cette porte pour quelqu’un d’autre que pour lui. Il secoua la tête et entra à son tour, fermant la porte qui émit un petit « ding ». Il sourit à ce son qu’il avait tant apprécié autrefois et qui signifiait qu’il rentrerait encore avec des douceurs pleins les mains et des étoiles plein les yeux. La petite s’était arrêtée devant lui, et à sa grande surprise, glissa sa petite main dans la sienne. Il regarda un moment cette petite menotte qu’il tenait, et ce fut comme un douloureux rappel de ce qu’il avait aimé être, auparavant, lorsqu’il tenait en riant la main de cette chère gouvernante, la seule femme qui l’avait aimé pour ce qu’il était alors, et non pour les espoirs fondés sur lui.

Il baissa le regard sur la gamine qui tournait la tête de part et d’autre du magasin, ne sachant visiblement pas quoi s’offrir. Ses yeux pourtant, étaient pleins de promesses d’éclats de rires et d’amusement, tellement les paillettes qui s’y promenait étaient brillantes. Il lui était reconnaissant de partager avec lui un peu de sa candeur d’enfant, lui qui aurait tant aimé revenir à cet âge insouciant, où l’argent n’est pas un luxe et où chaque envie se doit d’être réalisée. Lui aussi cependant, connaissait maintenant les affres de l’hésitation. Cela faisait une éternité qu’il n’était pas entré ici, et il avait oublié depuis longtemps l’effet que faisait sur la langue, un tel étalage de bonne chose. Il salivait d’avance en regardant ce cookie aux noix de pécan et caramel, devant ce fondant au chocolat accompagné de crème chantilly, devant cette tarte aux fraises, généreusement saupoudrée de sucre glace. Il laissa échapper un soupir résigné, les yens qui lui restaient dans son porte-monnaie étaient visiblement destinés au trépas.

Hiroki releva la tête en entendant des pas et sourit à la serveuse qui s’était arrêtée devant lui. Sourire ne lui ressemblait décidemment pas, et cette petite fille avait le don de lui communiquer sa joie infantile. Il soupira de nouveau, il faudrait s’y faire, il finirait sa journée en souriant, pour une fois, ça ne pouvait lui faire que du bien. La serveuse s’adressa tout d’abord à la jeune fille qu’il tenait par la main. Elle ne répondit rien, trop absorbé dans la contemplation des merveilles sucrés qui s’étendaient devant elle. La jeune femme leva alors les yeux vers lui, lui proposant une table. A l’évocation du mot « sœur », il ne dit rien, mais un rire nerveux resta bloqué dans le fond de sa gorge. Il était enfant unique, et ça ne l’avait jamais franchement dérangé. Du moins parce qu’il n’avait aucune idée de la sensation que cela pouvait faire d’avoir quelqu’un pour grandir à ses côtés. Il observa un instant la jeune fille, elle ne lui ressemblait pas du tout. Elle était aussi brune qu’il était blond. Il releva la tête et s’adressa à la serveuse qui attendait toujours devant eux.

« Une table oui, avec plaisir. Mais nous prendrons le temps de choisir… »

Il jeta un regard presque? fraternel à la petite fille qui ne quittait toujours pas des yeux les différentes présentoires, visiblement indécise. Il serra sa petite main dans la sienne et se dit que finalement, ils avaient bien le temps. Alors il s’agenouilla près de Saya et en souriant lui lâcha la main pour désigner les pâtisseries.

« Vas-y !! Choisis ce que tu veux !! On se rejoint à notre table »

Et après un nouveau clin d’oeil emplie de complicité, il s’éloigna la premier, prenant enfin en main un de ces cookies qui le narguait depuis un moment déjà.

[Sincèrement désolée pour mon retard]

Pourquoi les gens qui ne vous connaissent pas ont la fâcheuse tendance à vous mettre dans des situations délicates, à coup de mauvaises déductions ? Saya ne savait vraiment pas comment réagir vis-à-vis de l'évocation d'un éventuel lien de parenté avec ce jeune homme qu'elle connaissait à peine. Quitte à ne pas savoir comment réagir, autant ne rien faire, c'est ce qu'elle fit avec art. Demeurant l'air légèrement bête à observer la serveuse souriante et Hiroki. L'air bête, mais toujours sa main dans celle de son 'grand-frère' fictif. Le réalisait-elle ? Non. Imaginait-elle qu'elle pouvait mettre son 'sauveur' dans une situation embarrassante ? Pas le moins du monde.

Et puis, son esprit était trop occupé à se demander ce qu'elle allait finir par choisir et quand allait-elle enfin se décider, à force d'observer les montagnes de bonnes choses devant ses yeux, toutes plus appétissantes les unes que les autres. Son nez se réjouissait des bonnes odeurs de pâtisseries chaudes et autres desserts fruités. Ses yeux pétillaient à n'en plus finir devant les brownis, les cookies et autres meringues qui la narguaient, de présentoir en présentoir.

Elle regarda la jeune femme qui les avait abordé s'éloignait pour leur réserver une table, et leva ses yeux vers Hiroki. Elle avait noté que lui non plus, n'avait rien corrigé concernant le terme de 'soeur' mal employé. Ils ne se ressemblaient pas physiquement, cela était flagrant. Et pourtant, elle esquissa un léger sourire. Elle ne dirait pas non pour feindre d'avoir un grand frère comme celui-ci, ne serait-ce que pour quelques heures. Songeant ainsi, elle ne put s'empêcher de serrer un peu plus fort la grande main qui se trouvait dans la sienne.

Pensait-il comme elle ? Elle n'en savait rien, et préférait ne pas le savoir, étrangement. Qu'elle se fasse des petits espoirs enfantins ne regardait qu'elle. Les adultes ont parfois trop tendance à couper court à l'imagination, aussi innocente soit-elle. En tout cas, le jeune homme aux cheveux blonds s'agenouilla à son niveau. Le visage de Saya prit un air étonné, et elle l'écouta sans rien dire au début. Il était vraiment très gentil, que gagnait-il à être si prévenant avec elle ? Elle ne voyait pas... elle ne pensait même pas à l'argent que cela lui faisait dépenser sans trop de raison. Simple caprice de gamine égaré. Ca existe vraiment les gens si prévenants ? é.è

Il lui disait avec un large sourire qu'elle pouvait prendre tout ce qu'elle voulait. Saya voulait mentalement tout. Parce que tout paraissait bon. Pourtant, elle savait qu'elle ne mangerait jamais tout ça, et que manger tout en une fois, cela lui enlèverait son désir d'entrer dans cette pâtisserie, à chaque fois qu'elle passerait devant à la sortie de l'école. Elle se mit à sourire à son tour, et lui répondit d'une voix enjouée :

" D'accord ! ^^ "

Cela ne l'empêcherait pas de faire un choix tout de même modéré. Elle le regarda prendre un cookie et lui rendit son clin d'oeil, amusée. Oui vraiment, si elle avait pu avoir un frère, qu'il soit comme celui-ci, elle aurait adoré.

Elle embrasa une fois de plus la salle du regard. Chaque pâtisserie semblait lui crier : " Goute-moi ! "

Elle s'approcha d'un présentoir, et demanda à la dame derrière de lui servir une petite part du gâteau au chocolat qui trônait, insolent et fumant.

" Tiens, petite. " lui servit la femme d'un air bienveillant.

" Merci. " fit Saya dans un salut poli avant de s'approchait de petites meringues. Elle ne prit une et l'ajouta dans sa petite assiette, en faisant de même avec l'un des cookies qu'avait pris Hiroki.

Estimant que cela suffisait, elle prit la direction de la table que la serveuse avait préparé pour eux dans, dans l'angle que formait le mur de la pièce, proche de la fenêtre.